Cet article là a mis du temps à prendre forme. Car j'hésitais entre souvenirs personnels et contexte actuel plus global. Mais finalement, je m'autorise à parler des deux.
Laurent Bistolfi tient la Presse du Roucas sur la place du Terrail, depuis 2005. Un bail ! Il est devenu une figure familière de notre quartier. Tout comme son frère Stéphan qui prenait parfois le relais le dimanche avec un coin livres d'occasion à tous petits prix.
On y vend, pour ceux qui l'ignoreraient (la liste n'est pas exhaustive), des journaux, des magazines, toutes sortes d'articles de papeterie (stylos, cahiers mais aussi papier cadeau, enveloppes ou ramettes de papier..), des cartes postales et des cartes d'anniversaire, des petits jeux pour enfants, des nounours en chocolat et des fraises tagada...
Et puis des livres d'occasion donc mais aussi quelques livres neufs déposés par des auteurs habitant le quartier. Sans oublier un service bien utile de photocopies.
En outre, adhérent avec enthousiasme au nouveau CIQ, Laurent Bistolfi a accepté de recevoir les nouveaux bulletins d'adhésion et chèques qu'il transmet régulièrement à nos deux trésoriers. Nous l'en remercions.
Avant 2005, il y eut Laurent Simon et d'autres dont j'ai oublié les noms. Tous étaient différents mais tous étaient chaleureux !
J'ai une pensée émue pour le premier "marchand de journaux" que personnellement j'ai connu en arrivant dans ce quartier, Monsieur Tardieu, qui nous a quittés récemment.
Ainsi que pour Rolande Thunin, disparue elle aussi, cette ancienne institutrice qui se plaisait tant à accueillir les clients pendant que Laurent Bistolfi soufflait un peu.
La presse n'est pas un commerce comme les autres. En choisissant tel quotidien ou tel magazine, on dévoile un peu de ses idées, de ses valeurs. Et suivant les titres à la Une, il n'est pas rare qu'un de nous s'exclame, commente ou s'épanche. Le marchand de journaux reste imperturbable; il n'est pas là pour juger, encore moins colporter.
Imperturbable ne veut pas dire silencieux, ni juste poli. Laurent Bistolfi manie joliment l'humour et lui rendre visite c'est repartir très souvent avec le sourire !
Car la discrétion n'interdit pas la parole. Que d'échanges en ce lieu !
Peut-être y avez-vous parlé santé, famille, de la vie à Marseille ou de l'état du monde, voire même de Kant ou des Lumières car notre marchand de journaux est féru de philosophie... Des fois je suis pressée, je m'en excuse presque. Car converser avec Laurent Bistolfi est toujours un plaisir.
Je sais aussi, pour les croiser parfois, que certaines personnes solitaires y trouvent du réconfort.
Bref, encore une fois, comment dire, ces petits commerces de proximité que nous avons la chance d'avoir sont des lieux de sociabilité, de rencontre, de vie tout simplement.
Mais aussi bien sûr, il ne faudrait pas l'oublier, des entreprises qui doivent, pour continuer à exister, dégager des bénéfices.
Sauf que ces dernières années, il s'en est passé des choses.
Autrefois certains parents déposaient les listes de fournitures scolaires de leurs enfants en juin ou septembre et Laurent Bistolfi s'occupait de tout. Mais comment lutter contre des grandes surfaces qui ont les reins suffisamment solides pour se permettre de vendre certains articles quasiment à prix coûtant ?
Chaque année on pouvait acheter son agenda à la presse ; mais comment concurrencer ceux qui en offrent maintenant un plein rayon avec une multiplicité de modèles, presqu'autant que de boîtes de céréales ? Or les agendas, c'est un peu comme les brioches, les invendus ont une date de péremption...
Et puis, le Covid est passé par là, avec son lot de craintes, son surplus d'écrans. Des clients ont choisi de s'abonner en ligne au détriment de leur achat quotidien... Ils sont nombreux et j'en fais partie !
C'est moins cher sans doute mais pas plus écologique; on le sait tous maintenant que les connexions numériques participent largement à la destruction de la planète (réchauffement, consommation d'énergie, matières premières...)
On zappe, on a l'impression d'être plus informé sans se rendre compte qu'on s'enferme au contraire. Les réseaux sociaux nous compartimentent. Quelles que soient les idées politiques des uns et des autres, en terme de démocratie, c'est dangereux. La pluralité des médias est indispensable et donc la presse et le marchand de journaux sont es-sen-tiels !
On perd des liens, c'est évident.
Et surtout... on risque de perdre nos commerçants !!!
Nous avons la chance d'avoir une presse toujours ouverte 7 jours sur 7, ce qui n'est pas évident. Même si vous avez sans doute remarqué que les horaires d'ouverture se sont légèrement "rétrécis" : lundi, mardi, jeudi et vendredi de 8h à 12h et de 15h30 à 18h, mercredi, samedi et dimanche de 8h à 12h. Et pendant les vacances scolaires, ouverture le matin uniquement.
Dans le centre ville de Marseille comme de Paris, certains kiosques de journaux n'ont pas trouvé repreneurs et se sont transformés en conciergerie, galerie ou marchand de souvenirs.
Résilions nos abonnements, abandonnons les grandes surfaces et profitons largement, pendant qu'ils existent encore, de nos commerces de proximité. Chiche ?
A bientôt pour une prochaine rubrique :)
Pour le CIQ
Aline
Le 12 octobre 2022